Dicton du jour : "Parce que manger des contre-façons, c'est encore pire que sucer du toc." (Moi - Critique Culinaire Ultra Pointue)

mardi 23 août 2011

Jus d'Orange Mécanique. (Rediff)(2006, je crois)

Patience et longueur de temps font plus que gnagna... mon cul ouai.

Après un état des lieux personnel hautement scientifique (je m'assois et je réfléchis en fumant plein de cigarettes), il me faut me rendre à l'évidence :
Ni la patience ni le temps qui passe (trop lentement en plus) n'ont éradiqué la moindre des séquelles de ces deux dernières années, fatigue extrême comprise.

Je décide donc, il y a de cela quelques "des jours et des lunes", de passer à l'option "que force et que rage". Ça tombe bien, je maîtrise mieux.
Lasse des deux de tension, des maux divers et variés qui, cumulés, forment un véritable carcan anti-optimisme, je décide d'échafauder un diabolique plan B qui fera sortir de leurs trous les restes de volonté, d'énergie et de courage jusqu'ici aussi bien planqués qu'un maquisard Corse asocial.

Comme tu me vois là, debout, une main sur le cœur, l'autre serrée en un poing révolutionnaire brandi contre l'adversité merdique, je jure solennellement de me rebeller contre l'attente imposée d'un quelconque miracle prophylactique.
Je ne veux plus rester dans l'expectative d'un retour à un état normal naturel.
En plus je lui dis merde. A l'expectative.
Je dis aussi merde aux comédies romantiques mais c'est une autre histoire.

Qui plus est, j'ai trop plein de kilos à perdre (2,5. De kilos. Je suis AUSSI une pétasse je te rappelle), et moi je ne rigole pas avec les vraies valeurs importantes de la vie profonde.
J'ai bien essayé de me défausser de cet excédent détestable sur Coloc' par ma seule puissance télépathique, mais, vas savoir pourquoi, le seul résultat a été un furieux mal de crâne.
Mon cul, lui, fait toujours une éclipse de soleil quand je m'approche de la fenêtre.
Coloc'- Clint, le con, continue de manger des kilos de nourriture sans prendre un gramme et de sauter sur la balance en râlant "Merde, je grossis pas.".
Ce qui a pour don de faire naître en moi une soudaine envie de décapitation sauvage que suivraient, dans l'ordre, un brandissage du trophée-tête, sur lequel serait placardé un air quelque peu étonné, au bout d'un pic à glace et un défilé en musique à la victoire de ma mesquinerie hystérique sur mon balcon.

Je prends donc des tas de décisions primordiales qui vont changer ma vie entière, dont une, et pas des moindres, qui va demander de ma part la plus courageuse des abnégations :
Je vais boire du jus d'orange le matin afin d'abreuver mon corps d'acide acsor ... ascirbo ... de vitamine C.

Farpaitement.

C'est peut être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup.
Notamment renier mon principe roi qui est de ne rien manger qui ne soit constitué d'au moins 50 % de pur gras de lipide. Avec des frites en accompagnement.

Qui me connaît un peu, se rendra compte de l'ampleur d'une telle remise en question.
Qui me connaît un peu, ne sera pas étonné de me voir illico plonger le nez dans un dictionnaire pour savoir ce qu'est une orange.

Armée de toutes les informations nécessaires - le fruit (oui c'est un fruit l'orange) est rond et de la couleur jaune foncée (y'a un nom plus précis pour définir cette teinte, mais je ne l'ai pas retenu) - je me dirige d'un pas vainqueur, non sans une certaine appréhension, vers le marchand de fruits et légumes de mon quartier, terre furieusement inconnue pour moi. Pour acheter du "chose".

Vous auriez du voir la fierté illuminer mon visage à mon retour.
Dans le sac, le Saint Graal tant convoité, prometteur de jours meilleurs.
Que je saisi de mes mains fébriles et tremblotantes pour le brandir, les yeux plein de larmes d'émotion vibrante, à la vue de mon entourage que je devine écrasé d'admiration.

Moi: "Regarde, je l'ai trouvée. J'ai pris la plus grosse ! J'en ai au moins pour dix jours."
Entourage: "La" ? Tu as acheté une seule orange ?"
Moi: "Ben hé ho. Faut voir la taille hein."
Entourage dubitatif : "..."
Moi, léger doute: "Ben quoi ?"
Entourage, désespéré:"C'est une citrouille ..."
Moi, pige queud': "Une quoi ?"
Entourage, las: "Laisse tomber."

Je continue aujourd'hui à me poser des questions sur l'exactitude des données du Petit Robert. Les oranges qu'il m'a ramenées lui (Coloc' pas Robert), ne sont pas du tout telles que me l'a laissé penser ce dernier (Robert, donc. Il faut suivre, hein).
Certes elles sont de cette jolie déclinaison de jaune-foncé-étrange-dont-je-me-rappelle-jamais-le-nom, mais comment aurais-je pu deviner que les choses étaient en fait de petits palets conditionnés en tube en plastique.
Et si Coloc' était dans l'erreur.

Parce que bon... depuis deux heures que je me borne à les entasser dans le presse-agrumes électrique, aucun jus n'en sort.


(Spéciale dédicace à Miss Blablabla )

dimanche 21 août 2011

Humanoïde.

*

Parce qu'il existe cette croyance programmée de la nécessité absolue d'appliquer une philosophie de vie, d'une façon "d'être précisément défini", pour avancer correctement.
Psychologie de comptoir, véhiculée aussi légèrement que les mouvements de mode, qui t'entraîne dans le grand huit du doute et de la remise en question, en mordage de queue inutile.

Sans fin.

Dictature d'une masturbation cérébrale du "Pourquoi", du "Qui suis-je" et du "Comment", sous peine d'être creux.

Le culte du Moi, la pseudo recherche d'un équilibre, d'une incessante analyse de tout, vecteurs de bonheur en dogmes sociaux médiatiques, comme des modes.

Aussi changeants et aléatoires que la longueur des jupes.

D'une année sur l'autre.

Sois égoïste/Sois altruiste.

Apprends à dire Non/Apprends à dire Oui.

Pense à toi d'abord/Le bonheur c'est les autres.

Pense à demain/Profite du présent.

Chouchoute toi/Ne t'écoute pas.
Accepte-toi tel que tu es/Ruine toi pour devenir le petit clone d'une perfectitude irréelle.
Profite du moment/Regarde toujours plus loin, ne vise que l'excellence.
Aime ton physique comme il est/Tue-toi en vue de transformations socialement acceptables.


Instabilité d'idéaux conseillés pour une école de l'être.

Pour essayer de tout avoir.
 Creuser le dedans toujours pour se trouver une légitimité.
Le point commun c'est le nombrilisme, peu importe dans quel sens.

Les médias en nouveaux philosophes. 

Qui martèlent en boucle que ... :
"La vérité, la valeur se méritent, alors imagines toi un labeur et provoques ton propre chemin de croix.
 Le nez perpétuellement dans ta merde minuscule, recherche en toi un Saint Graal imaginaire !"
En vain.

Légende urbaine en forme de questionnements sans fin suggérés dont les réponses n'existent même pas mais dont la recherche inutile te donne, finalement, un but.

Une façon de remplir sa vie comme une autre.
 Miroir aux alouettes.
 Parce qu'on aime se regarder avec contentement.

Galères modelées sur commande si pas vécues.

Point de joie gratuite malheureux !
 Complique-toi la vie pour qu'elle soit honorable.
 La prise de tête en palliatif à la non-obligation de survie actuelle, ici en tout cas.
 Créer ton primordial.
 Inventer la profondeur qu'on pense être obligatoire, par la fausse douleur. Profondeur factice.
Pour combler le faux vide d'une société de loisirs dont on a honte.
"Il faudrait une bonne guerre ..." On nous fait croire, on nous rabâche :
 "Si tu n'as pas vraiment souffert, tu ne peux pas vraiment vivre/être. Tu ne connais pas la vraie vie."

Oui 
mais si tu souffres vraiment, surtout, fermes la, ta gueule.
J'en sais quelque chose....
Ambivalence d'un courant girouette. D'un manque de simplicité.

Le mal est comme tout, si il n'est pas contrôlé, estampillé par le sceau du validé, du politiquement correct, il n'est pas reconnu. Tu as cette malchance de la vraie douleur, de l'enfer concret, d'une maladie honteuse ? Dommage pour toi. Parce que :"Souffre pour être, mais souffre propre !"

Au lieu de juste savoir que finalement on a de la chance malgré tout.

Au lieu de juste savoir qu'on a le droit d'avoir mal aussi.
 Autant qu'on l'a d'être juste heureux.
Au lieu de comprendre qu'il faudrait être aussi flexible que la vie est fluctuante, tout simplement.
Au lieu de comprendre que la force, la réalité d'une douleur ne se mesure pas forcément à la gravité de ce qui la cause.

Parce que rien n'est sûr, parce que rien n'est définitif, parce que rien n'est figé et fixe autour: sois souple.
Apprends la légèreté, ce droit de changer ce que tu es, ce que tu penses.
Rester figé en personnalité définitive et idéaux rigides dans un monde en mouvance ? Utopie.

Comme le dit George Bernard Shaw, dont la philosophie de vie n'est pas plus conne qu'une autre, voir tellement plus vraie :
"Life isn't about finding yourself.
Life is about creating yourself."


À toi qui ne comprends pas d'où vient cette douleur, ce sentiment de vide intense, de peur et qui t'auto-flagelles au fouet de la culpabilité parce qu'on t'a appris que ce que tu ne comprends pas n'est pas réel.


À toi qui te muselles et qui souris et qui te tournes le dos en pensant que ça passera si tu n'y prêtes pas attention.
 Parce qu'on te serine que "T'as tout pour être heureux..."
. Comme si la souffrance se devait d'être expliquée pour être légitime.
Tout doit s'expliquer, vite, grattons-nous l'intérieur de notre crâne fatigué.

À toi au parcours cassé.

À toi la chienne sale, aux morceaux qui se défont. Épidermique saleté.

À toi qui, juste, oses et te trompes. Et en payes dix fois le prix.

À toi qui n'as pas la forme d'un des quelques moules imposés, pas celle qu'il faut. Trop. Ou pas de formes du tout.

À toi qui n'a pas la bonne couleur/religion.

À toi qui n'as pas ce statut social imposé, qui refuse d'être un gagnant ambitieux. Parce que tu sais que tu n'emporteras rien de tout ce que tu t'es épuisé à avoir dans ta tombe. Et surtout pas ton ego.

À toi qui oublies d'être malheureux. À qui on le reproche.

À toi qui tournais dans ces couloirs de cette clinique neuro-psychiatrique et qui me racontais ta honte d'être "à part". Alors que j'étais/ je suis "pire".

À toi dont on ne voit que le fauteuil roulant, les/la canne, la sale gueule, le manque de fric, la peur.

À toi qui dors dans le sommeil forcé d'un coma provoqué, mon amour, pour ralentir le rythme de ta marche vers la mort.
"Il ne mérite pas ça ..."

... Prends ma main.



* Parce que Placebo et Kate Bush qui poussent le Lalala en même temps, ça le fait.

vendredi 19 août 2011

Ma guerre mondiale chimique des nerfs des trois jours contre mon chien. (Rediff)(Parcequ'en plus d'être claquée, j'suis une feignasse)(ça fera le ouikend)

Oui je suis l'amie des animaux, et pas seulement de ceux qui se retrouvent dans mon assiette, avec des frites. Pour preuve, mon mignon petit sac en merlan du Québec.

Mes deux bouledogues français, donc, je les aime beaucoup. Et c'est pour être sûre que ça dure que je les ai élevés selon une méthode avant-gardistement psychologico-canine très subtile de dressage :
Le coup de pied au dèrche.
Il en va de même pour le chat. Sauf que le chat, c'est plus dur, il est furieusement rapide et est doté d'un tout petit arrière train. Le con. En même temps, depuis, il est mort.

Qui plus est, je ne supporte pas la niaiserie animalière laxiste qui pousse à laisser les chiens monter sur le canapé, les chats à dormir sur un lit, les caniches abricots à exister et les (plus) jeunes (que moi) à me taxer systématiquement des clopes.

Je pensais avoir réussi à conditionner mes canidés selon mes principes tyranniques.

Ben non.
Depuis quelques jours, le mâle, certainement victime d'une subite dépressurisation des axones, bafoue les lois de la dictatrice que je suis.
En même temps, il fallait s'y attendre, ce dernier n'étant pas le plus malin du clan. Son regard, à mon chien, c'est le Grand Canyon un peu. Une chouette conception du néant. Même ma petite soeur, gentille, elle, s'est exclamée une fois « Oh! On dirait qu'il a de la gelée plein la tête, derrière ses yeux! »
Il semble être depuis son plus jeune âge réduit à un minimum de possibilités et aussi peu  de neurones :
- Manger.
- Sauter partout à la façon d'un cabris sous amphétamines.
- Renifler tous les culs à sa portée. (Demande à Miss Blablabla, tiens !)
- Être ambidextre des globes oculaires et furieusement anarchique de la dentition. (Demande à Ma' Copine Du Nord aussi !)

Bref ... Il y a quelques matins de cela, je me réveille, et me déplace approximativement jusqu'au salon.
Il est là.
Sur le canapé.
Ses instincts sauvages ancestraux endormis par des décennies de manipulations génétiques (je n'ai trouvé que ça pour expliquer l'existence de cette race), même pas il m'entend.
C'est avec tout le calme et la féminité qui me caractérise que je murmure :
« PUTAIN DE BORDEL DE MERDE ! DESCENDS DE LÀ ABRUTI ! »
L'amorphe chose sursaute, se retourne et se casse la gueule (J'ai le droit de dire « gueule », je parle d'un animal. Et j'ai même le droit de dire « merde », c'est mon blog.).
Me voilà à vilipender vertement ce monocellulaire afin d'imprimer l'interdit dans son vide cérébral.
Les deux matins qui suivent, même scénario :
À nouveau, je me lève, comme dans un film, brushée, maquillée, luminescente quoi et me déplace avec grâce dans un flou artistique qu'on dirait que je vole un peu, tu vois ?
Une vraie féerie matinale.
Ou bien je tente prosaïquement d'avancer à plus de deux mètres à l'heure, en traînant mes pieds en ciment et en tentant de ne pas me prendre les murs par le pouvoir protecteur de mes mains en bois, le tout en râlant.
Je sais plus, j'ai une mémoire daubée. Ou sélective.
L'idiot est toujours vautré au même endroit et toujours dans une position des plus improbables.

Il ignore ma divine autorité, de toute évidence, et ça provoque chez moi un délirium tremens du plus bel effet. Je hurle sur la bête, je le poursuis avec un magazine féminin muée par un réflexe de cruauté mentale, je ne le rattrape pas, donc je lui lance à la tronche, je le loupe, tout ça en l'insultant en Tchétchène parce que ça fait mafieux et que je trouve que c'est vachement impressionnant.

Et je lui déclare donc la guerre.
Il a pour lui l'arme suprême : La gazéification sur commande.
C'est sûrement monté en série chez ces chiens. Le mien a le cul tellement pourri qu'on se demande forcément si il n'y cache pas des provisions périmées ou encore une famille de ragondins d'égouts.
Il est comme ça mon clebs. Tu l'engueules trop, il te pète au nez. Un véritable Janissaire chimique.
À t'en faire saigner les yeux.

Sur le coup de l'énervement je pense tout de suite à utiliser le M16 planqué sous mon matelas.
J'envoie chier mentalement la convention de Genève et imagine les ruses les plus perfides pouvant servir ma guérilla mobilière.
L'hystérique stratège napoléonienne que je suis devenue cherche sur internet, pendant deux heures, comment se construisent ces grosses sphères pleine des pics que les soldats vietnamiens avaient le don de faire tomber des arbres au moindre passage.
Le problème étant que je n'en connais pas le nom et que je tape, du coup, dans Google « Comment fabriquer des Boum-j-t-attrape ? ».
Et que, donc, j'atterris systématiquement sur le site du film Les Goonies.
Je pense aussi à une trépanation, rapide et sans douleur, à coup de hache en tungstène.

Et d'un coup : l'illumination. La clarté tactique.
J'ai trouvé. Imparable.
Je pars en courant en direction de ma cave (où est enfermée depuis trois semaines Jennifer Lopez, mais c'est une autre histoire).
J'en remonte des outils pleins les mains. Ou, devrais-je dire, plein mes serres cruelles d'aigle militaire patriotique.

C'est au moment où je tente un créneau avec mon blindé imaginaire (qui braque comme une merde) que Coloc', aussi zen qu'un bouddhiste sous myorelaxants, intervient :
Coloc': « Tu sais, ce soir on va mettre les chaises sur le canapé, comme quand il était petit. »
Moi, saine d'esprit : « J'ai mieux ! »
Coloc', immédiatement inquiet: « ...? »
Moi, totalement saine d'esprit, donc: « On y creuse un trou de six mètres de profondeur sur trois mètres vingt de large, dans le canapé, on y plante au fond des pics empoisonnés, on le recouvre de branchages et quand il grimpe ... POUF POUF... PIÈGE! »

Le traître m'a fait avaler deux calmants, m'a tapoté le crâne et est allé ranger la pelle, la pioche, les pics à brochettes et rendre le ficus à la voisine.

Malgré le brouillard envahissant, je place ma main dans l'ouverture de mon gilet et j'ai le temps de prendre note d'un fait essentiel :
C'est pas avec ces cons de pacifistes qu'on va la gagner cette putain de guerre.

Mon plan, lui, ne sort pas de ma tête.
Les branchages, les pics, creuser ce trou dans un meuble...

Peu importe l'ennemi, l'important est la victoire.

Et c'est Coloc' qui va être surpris en allant se coucher...




(À Lundi, donc. Ou Mardi)

mercredi 17 août 2011

Les jolies colocliniques de vacances ... (Rediff)(Oui comme je suis en semi-pause, je semi-blogue, donc je colle du complet vieux)



Le beau temps revient.

Travailleurs, travailleuses, sentez-vous l'actuelle sournoise et future omniprésente envie de vacances ?
Je vous demande ça parce que moi, bon, je m'en fous, j'habite dans le pays merveilleux du bord de mer et il est maintenant de renommée mondiale dans mon immeuble que je suis, de façon perpétuelle, lascivement en train de siroter un Diabolo-Ricard sous un palmier (l'arbre, pas le biscuit).

Ma vie est une fête quotidienne tourbillonnante de légèreté honteuse.
Elle pourrait être une comédie musicale de tous les instants si, et seulement si, les oreilles alentours ne se mettaient pas systématiquement à saigner dés que j'ouvre mon clapet dans le but de pousser la guillerette chansonnette. À deux si bémols près (et deux mille cent vingt six cours de chant estimés) ma vie c'était carrément Broadway-On-Plage, avec danseurs à poil et "la Petite Huguette" en générique.
Mais je te vois, envieux que tu es déjà de mon incommensurable culture et de ma haute pointitude, surtout concernant l'actualité politique, agrippant de tes doigts aux ongles noircis par le cambouis du travail de bureau, ton clavier de pauvre, 100 % polyester.
Laisse moi te dire, à toi,  mineur de fond du quotidien, ce n'est pas parce que je me roule dans les pétrodollars et que je prends des bains de truffes blanches que je suis différente de toi.

Pour preuve nous passons les mêmes vacances.
J'ai séjourné un peu de temps au mois d'août dernier dans l'enceinte d'un club familial très fermé (et c'est rien de le dire) appelé clinique neuro-psychiatrique, moi aussi, comme toi.
Tu vois que je sais rester simple.
Je passe les détails de l'endroit, ou plutôt je les raconterai un autre jour, et encore rien de moins sûr vu que c'est un lieu très commun de séjour, en fait. On me l'a bien dit à l'époque :
"Tout le monde y va."
C'est sympathique, jovial, dynamique, bref... tout ce que promet une bonne brochure publicitaire vantant la détente estivale.
Cet endroit m'avait été conseillé avec entrain à une époque des plus drôlatiques durant laquelle je pensais que Coloc' cachait de la drogue dans les homards qu'il proposait à sa clientèle et où l'idée de manger mon chat (avec des frites) me semblait des plus enthousiasmantes (et normales).

Je vais te dire une chose.
Le plus enrichissant dans ce fabuleux Club Med-ical, n'est pas, contrairement aux idées reçues, les locaux pittoresques, le personnel dévoué, la cuisine exotique ou encore les visites culturelles du parc bi-arboré (deux pins, dans le parc).
Que nenni.
Ce sont les rencontres.
Multiples et colorées.

Je ne te cacherai pas qu'il faut un petit temps d'adaptation, hein. On est pas non plus au Country Club de mamie, où tu t'incrustes cash à la première table de bingo venue.
Non, là, tu dois faire dans l'observation.
Il faut dire que les rumeurs circulent encore plus vite que dans les pages de Voici.
Bizarrement, moi qui étais dans mes petites tongs à mon arrivée, me demandant qui j'allais bien pouvoir croiser dans cette bâtisse (à des lieux de la simple maison de repos pour gens juste un peu fatigués), regrettant de ne pas avoir mis mon tee-shirt "Si tu me parles, j'te mords l’œil !", ai eu un peu de mal à comprendre pourquoi c'était moi qu'on fuyait ou observait comme une bête curieuse et dangereuse.
Je suis la gentillesse même, putain de bordel ! (Et la poésie faite femme)

Une fois admis le fait que je n'étranglerai ni ne dépècerai personne au détour d'un couloir, les vacanciers présents se sont détendus et m'ont intégrée.
Et je peux te le dire que ça fout quand même un sacré coup d'être redoutée ou tenue à l'écart par moults psychopathologiques de tous poils.
Sans vouloir trop me la péter, je dirais même que j'étais l'amie de tout le monde.
Comme quoi la faculté d'adaptation est un don du ciel.
Ainsi que les déformations cognitives aiguës.
Surtout. En fait.

Mes premières connaissances furent les autres personnes partageant ma table de restaurant-cantine. Places fixes et immuables, mathématiquement étudiées par affinités et par dessus tout, par niveau de dangerosité/capacité de se défendre.
Du coup, je deviens la pote de Jeannot l'ancien légionnaire sociopathe double meurtrier, surnommé par mes soins Nounours, et de Lulu le nerveux, en cure de désintoxication poussée pour cause d'essais répétés d'éviscérations sur ses voisins sous l'emprise de l'alcool. D'ailleurs ça marchait plutôt pas mal pour lui, ce grand gaillard supportait avec brio le manque de picole grâce aux millions de cachets prescrits et dealés en cachette dans les chambres.

Dont les miens, que je recrachais systématiquement.
Et que j'échangeais contre des Twix.
À la guerre comme à la guerre.
Bref... j'aimerais pouvoir te parler de tout le monde.

Du Hurleur. Schizophrène ventripotent quasi muet à l'exception de tes propres moments de tranquillité, qu'il savait deviner avec une étonnante précision, et qu'il venait transcender en se plaçant tout près de toi, pour se mettre à brailler à pleins poumons un très personnel et délicat borborygme :
"AAAAAARRRRRRGGGGFFMMMMMMRRAAAHHHH!"
Avec une telle force que tu lâchais systématiquement tout ce que tu pouvais avoir dans les mains, tétanisé par la surprise. En ce qui me concernait, un de mes 150 gobelets de café bouillant quotidiens.

De Boris, cleptomane sous psychotoniques, à l' approche aussi discrète que celle du Hurleur. Le but variant. Le sien n'était pas de te faire mourir sur le champ d'une attaque cardiaque mais de choper sur ta table l'objet le plus utile qui s'y trouvait, en l'occurrence les dés du 421, pour partir dans une galopade hystérique et aller les balancer au fond du parc ... dans l'herbe. Où toi et tes collègues de jeu, que tu étais joyeusement en train de déposséder de leurs jetons bouffe-cafés-téléphone, vous retrouviez le nez collé dans le gazon sauvage pendant une bonne heure afin d'y retrouver vos petits cubes rigolos.

L'Anglaise, névropathe déconnectée de toute réalité, polie et douce, mais poussée par je ne sais quelle mystérieuse force à venir s'asseoir à coté de moi pour se balancer pendant des heures en psalmodiant un Te Deum, prononcez "té-doum" (de Parisme )(ok...), plongée dans un semi-coma artificiel de psychotropes anti-hallucinatoires en charriage veineux.

Et enfin, Monsieur Tripote.
Géant de près de 150 kilos grand adorateur  de femmes devant l'éternel. Que j'ai repéré le deuxième soir, alors que je débattais énergiquement avec l'oncle d'une personnalité que tu connais (la personnalité, pas l'oncle) mais que je te dirais pas qui c'est. C'est juste au moment où je lançais mon argument imparable de choc super classe "Et mon cul, c'est du poulet ?" qu'il fait son apparition pour répondre un tout aussi classieux:
"J'en veux bien une tranche."
Après m'être renseignée sur le personnage, j'ai vite compris que si je ne voulais pas passer mes journées à avoir peur de le croiser dans le bâtiment, il fallait que je mette les points sur les "p".

Quand je dis, plus haut, que les déformations des cognitions sont utiles, je sais de quoi je parle. Parce qu'il faut vraiment pas tout comprendre aux bases essentielles de la survie en milieu junglifique sur le moment pour choper un mec quatre fois plus grand/lourd/large que toi et lui balancer :
"Si tu me touches... juste une fois... la putain de toi, je te fracasse."
No doubt quoi.
Et ça marche. Il restera tranquille.
Il répondra juste :
"Mais, y'en a partout dans les murs ! Cachés ! Et ça personne le sait. Ils sont dans les murs. Je les entends moi !"

Le dicton dit :
"De la discussion jaillit la lumière."

Moi je précise :
"Mais des fois après tu vois super flou."